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yonathan
16 décembre 2014

Quand François invite les mouvements populaires

 Avant propos :

Tout ce que la planète compte de pauvres et d’exclus étaient réunis du 27 au 29 octobre au Vatican, à l’invitation du pape François, pour une Rencontre mondiale des mouvements populaires. Un événement quasiment passé sous silence dans les médias français, et pour cause !

« Les pauvres n’attendent plus les bras croisés des solutions qui ne viennent jamais. Maintenant, les pauvres veulent être acteurs de leur destin et trouver eux-mêmes une solution à leurs problèmes », a déclaré le pape argentin Jorge Mario Bergoglio à la quarantaine de délégués de mouvements sociaux, de coopératives, d’associations paysannes et de syndicats présents. « Les pauvres ne sont pas des êtres résignés, ils savent protester, et se révolter. (…) J’espère que le vent de cette protestation deviendra un orage d’espérance. » Le pape a demandé « une terre, un toit et du travail » pour tous.

 

AU PIED DU MUR
Samedi 08 Novembre 2014
francepalestine

à gauche : Michel Warschawski 'Albertville (Mai 2013)

Quand nos amis du Mouvement des sans-terre (MST) brésilien nous ont contactés il y a plusieurs mois pour nous annoncer que le Centre d’information alternative était invité à une rencontre avec le pape François, nous avons beaucoup ri: qu’est-ce qu’une organisation – le Centre d’information alternative (AIC) à Jérusalem et à Bethléem – dont la plupart des membres sont de culture juive ou musulmane, et athées de surcroît, allaient faire au Vatican? Et quand le Conseil d’administration m’a demandé d’y représenter l’organisation dont je suis le président, j’ai refusé catégoriquement. Si je ne partage pas l’anticléricalisme primaire de beaucoup de mes amis français, et considère, avec Karl Marx, que la religion n’est pas seulement l’opium du peuple mais aussi «le soupir des opprimés», je ne voyais pas l’intérêt de ma présence à une rencontre au Vatican. Devant l’insistance de nos amis brésiliens, j’y suis finalement allé. Et je ne le regrette pas tout.

La rencontre organisée par le pape se voulait un dialogue intensif entre l’Eglise catholique et une centaine de mouvements populaires venant de tous les coins de la planète, autour de trois thèmes: la terre, le travail et le logement. Je l’avoue, c’était passionnant et certainement pas moins intéressant que les nombreux forums sociaux mondiaux auxquels j’ai déjà participé.

Ces «mouvements populaires», et non ONG – sauf l’AIC et quelques autres –, ou même «mouvements sociaux», comme on les appelle, sont des mouvements de base où s’organisent les couches les plus exclues de la société et du monde du travail, comme les recycleurs des déchets de Rio, les paysans d’Afrique centrale déplacés par les guerres, ou encore les pêcheurs privés de leurs ressources par des multinationales, ainsi que des habitants de bidonvilles d’Afrique et d’Amérique latine que la spéculation immobilière a transformés en réfugiés dans leur propre cité.

Puis est venue la rencontre avec le pape François et son adresse aux participants: directe, chaleureuse même, et d’une radicalité surprenante. Après s’être livré à un état des lieux sans concession de notre monde, où l’humain est devenu l’esclave du capital et des transnationales, le pape a appelé les mouvements populaires à devenir les agents d’un changement révolutionnaire indispensable. Oubliant le discours écrit, le Pape a tout d’un coup lâché, avec un petit sourire: «Certains diront peut-être que je prêche le communisme», et de fait, ses propos n’étaient pas moins subversifs que ceux du camarade-président bolivien Evo Morales qui ont clôturé la rencontre.

«Terre, travail, logement – des droits sacrés et inaliénables pour toutes et tous», a souligné le pape François. Un tournant dans l’Eglise catholique? Pas certain: il suffisait de regarder les visages de certains des cardinaux présents pendant le discours du pape, apparemment choqués par la radicalité du chef de l’Eglise. Ce qui est certain, c’est qu’un tournant dans l’implication sociale et politique de l’institution est aujourd’hui l’objet d’une lutte dans ses instances supérieures. Il ne peut laisser indifférents les militant/es du mouvement social à travers le monde, même les plus mécréants d’entre nous.
 

*  Militant anticolonialiste israélien, fondateur du Centre d’information alternative (Jérusalem/Bethléem). Lire aussi la chronique d’Ignacio Ramonet: «Pape François: ‘certains m’accusent d’être communiste!’», parue dans notre édition du 21 octobre.

 

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