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yonathan
24 juin 2008

Pour le service de l'Eglise ...

berger2Voilà l’image que j’ai sous les yeux depuis quelques jours.
Merci à Yann, des missions étrangères de me l’avoir faite parvenir. A vrai dire  voilà un bien banal et classique rappel du pastoralisme de toujours !
« Voilà qu’à douze ans j’ai fait cette première montée pastorale. Moi, je passais devant j’étais le berger de tête. Et notre vieux berger Félicien, derrière nos huit cents bêtes, fermait la marche, aidé par nos deux chiens… ». Parole de transhumance.

Le sépia de ce cliché renforce le ton conventionnel de l’annonce d’une ordination presbytérale. « Noël en hiver, ordination à la Saint Pierre."
Premier décalage l’ordination de Yann ne sera pas pour la Saint Pierre, Saint Paul, mais en Juillet… et toc ! Le 5 juillet, même pas un dimanche, jour du Seigneur. Un samedi: jour de l’Absence… Tout un signe ! Enfin il faut relativiser car cette ordination, on va se la jouer en nocturne: 20 h 30 ! Alors, ce 5 juillet, allons-nous savoir à quel saint se vouer! J’opte pour le saint du jour: Zoé de Rome. Qui entends-je rire ? Sérieux, on peut bien s’appeler Zoé et venir de Rome, non? J’en conviens, c’est moins banal que Pierre et Paul ou Benoît !
C’est fou, plus je regarde ce faire-part avec attention, plus je découvre de merveilles !
Voilà à compter de ce jour, Yann sera comme le bon berger qui donne sa vie pour ses brebis (Jean 10.11) Je ne connais pas Yann pour pouvoir dire que Dieu partit le chercher au « cul d’un troupeau» comme l’explique Amos: « Je ne suis ni prophète, ni fils de prophète; mais je suis berger, et je cultive des sycomores. L’Eternel m’a pris derrière le troupeau, et l’Eternel m’a dit : Va, prophétise à mon peuple.” (Amos 7:14-15). Je pourrais clore, ici, le post, par cette apostille: "ordination parmi les quelques quatre vingt dix autres en France !" Mais d’autres signes sont en embuscade.

croisee Le berger retient tout mon attention. Yann, j’ai gardé ton invitation sous les yeux à cause de ce berger, vu de dos, modestement mais  solidement et attentivement debout derrière le troupeau. Tu mets une sacrée exigence en ce jour d’ordination. Marcher derrière. Inconfort et énorme confiance en ceux et celles qui précèdent et ouvrent la marche ! N’est-ce pas exagérer ? Alors j’ai cherché à savoir si le berger devait être devant ou derrière ?

Du coup j’ai fait connaissance avec un spécialiste qui m’était inconnu jusqu’à ce jour : Saint Spyridon, le berger de Chypre (+vers 348) Il naîtra de parents bergers et deviendra lui-même berger. Marié, avec deux enfants qui l’appelleront papa, lorsque sa femme quittera soudainement ce monde, il se consacrera à Dieu. Il devint berger, enfin je veux dire « prêtre ». Et lorsque le siège de l’évêché de Trimythonte sera vacant, à la demande de tous, il accepte de devenir évêque… Berger il est, berger il restera, tout ne visitant à pieds l’Eglise en disant : « Pour un berger qui avait l’habitude de courir derrière son troupeau, la marche est un jeu d’enfant.

croiseeVous aurez surement remarqué la construction trinitaire de l’icône !

berger2R1C1

Un tiers de ciel, sur lequel se découpe la montagne, le lieu de Dieu. L’élévation ouvre le regard du Père. Un appel des sommets et une invitation pour être à cheval sur le monde ! N’est-ce pas là une posture du prêtre-serviteur ? En tout cas mieux vaut être à cheval sur le monde que sur les principes !

Aujourd'hui, la montagne est l'un des derniers lieux "inaccessibles". C'est ce qui la rend fascinante. Atteindre ce lieu préservé, unique... Bien sûr tu es juste de passage... Tu distingues la courbure de la terre... Tu es un peu à la limite de la planète... Avec cette impression  d'être à cheval sur le monde... 

(Jean Christophe Lafaille , "Journal expérimental N°2 Oct 96.)

berger2R3C1

A l’opposé, un tiers de terre ferme…  bien nécessaire pour ceux qui ont le pied chrétien, engagés sur la « haute mer du monde » ! Vue du ciel, la terre, avec villes, villages et d'imperceptibles maisonnées éloignées, ressemble à des nids d’oiseaux dispersés; tout juste, à cette hauteur, si l’on devine le fil ténu qui les relie. Pour cela  il nous faut redescendre sur le plancher des vaches, au Chemin du Vivant, le Chemin de Jésus. Il est, pour Yann le Chemin d’une Parole qui court jusqu’aux extrémités de la terre, d’Aix-les-Bains jusqu’au cœur de l’Inde ! C’est ce chemin que Yann avec tant d’autres, hommes et femmes de ce temps va continuer à arpenter. Il va hésiter, aller et revenir, attendre et anticiper, car il faut « tirer chemin » : une pénibilité toute évangélique, à ras les pâquerettes ou les lotus !


berger2R2C1

Et le troisième tiers ?

Vous voyez bien, enfin, pas trop bien justement, il est entre-deux. Terrible entre-deux dans lequel il est si facile de se cacher et si redoutable de se situer: une nuée. C’est dans la nuée qu’un certain Pierre voulait dresser la tente de la rencontre, comme une tente de Fête (Lev 23,34) au rappel subtil des temps fondateurs de la foi, une tente pour continuer à demeurer caché…
Yann entre dans cette nuée, il va la parcourir, tête haute, visage découvert, avec ou sans bâton à la main. Là, il saura prêter l’oreille à la voix du ciel. Il sentira la présence de Dieu. La nuée est ce lieu d’échanges voilé et étoilé, mouvant et émouvant, paisible et terrible où des énergies énormes s’entremêlent, se confondent ou s’opposent. La nuée est eau, infimes mais infinies gouttelettes, denses de givre ou de glace. Noire et blanche, la nuée électrise, se charge de feu, elle a odeur de souffre, à être zébrée de lumière, ou ombrée jusqu’au noir obscur. Voilà la nuée avec en elle ce Souffle qui signe une présence: un vent qui va, selon la météo du jour, de la brise légère, au vent violent force 10 avec avis de tempête qui parfois dégénère en tourbillon. Il nous l’a bien dit: Il sera pour nous un avocat, avec nous jusqu’à la fin des temps.

croiseeCe message que cache-t-il donc encore ?

« Cacher » le mot convient ! Il y aura bien un latiniste, non pour dire la messe… mais pour dévoiler les secrets de ce verbe « cacher » et du coup le secret de cette invitation ! Je résume un article de Michel Serres, "Qu'est-ce qu'on ne sait pas?" Rencontres Philosophiques de l'UNESCO. Il nous dit que cacher vient de ‘cum-agere’. Un préfixe "cum", ici réduit à la simple lettre "c" et une racine "ac" ou "ach" qui vient de "agere" ce qui veut dire "agir" ou mieux "conduire" mais précise-t-il « conduire dans un sens  pastoral: comme le berger conduit, pousse devant lui un troupeau.
Yann: "Agere" ... Marche à la façon du berger, derrière les brebis qui ont vocation à prendre le large. « Le berger pousse devant lui un troupeau agité. Vous dites agité ? Impressionnant ce mouvement laineux et ondoyant, telle une Eglise en marche, où lutte et contemplation rythment la vie, flou sans limites, frontières imprécises. Voilà une Eglise heureuse de l'initiative de chacun.

Yann soit comme le berger du matin qui fait sortir son troupeau hors de l’étable: «ex-agere »… Et tu entendras facilement les bruits mêlés du troupeau: fracas des sabots sur les sols tour à tour secs, mouillés et gras... bêlements et craquements. Tu vas en une Eglise en barouf ou polyphonique si tu préfères. Chacun participe au concert des voix, tantôt harmonieux, tantôt discordant ; pourvu que cris et dialogues ne s'éteignent jamais mais ne deviennent non plus jamais rumeur ou tintouin.

Voilà j’aime  en cette invitation le calme, la paix, la sérénité du pasteur. Toute la vie du troupeau est sous ses yeux. Devant, aux avant-postes, il sait qu'une présence est assurée. Il sait la confiance qui anime la vie du troupeau. Il ne désire pas être ailleurs que dans le troupeau, à cette place de veilleur.

croiseePousse conduis tout ce beau monde « qui jamais ne demeure en repos, qui jamais ne demeure en rang» par ce sacrement de l’ordre qui attache à ce qui jamais ne demeure en ordre.
Merci Yann pour ton invitation à la communion.
Merci aussi en fait pour tout ce que ce message réveille en moi et en émoi; il a beau avoir l'apparence traditionnelle, lorsque la tradition heurte le présent, active la mémoire et interroge au présent, nous sommes dans le courant de la Vie et de l’Espérance …

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