« Ce n’est pas liturgique ! »
Tout à commencer par une procession en bonne et due forme après que le cérémoniaire, comme chaque fois, soit monté sur un banc pour donner ses instructions… écoutées d’une oreille discrète…
L’ordonnance est capitale ! La procession s’ébranle à travers les bosquets qui entourent l’église. En haut du chœur nous retrouvons le cérémoniaire qui est arrivé là par je ne sais quel raccourci… qui fait la circulation… « Toi par ici, toi par là … » hum il ne lui manque qu’un bâton de gardien de la paix ! Remarquez, c’est vrai il n’y a rien de plus indiscipliné qu’un prêtre ! Quel ordonnancement liturgique !
Par la suite, heureusement qu’il y avait un cérémoniaire, car l’évêque ne semblait jamais vraiment savoir ce qu’il devait faire ; où le faire, quand le faire et comment le faire… Je trouve qu’il y a des évêques sympa avec toutes les cérémonies qu’ils se sont tapés, ils font mine de ne pas savoir, juste pour donner du boulot à un cérémoniaire… Voilà un évêque qui lutte contre le chômage et voilà un cérémoniaire qui s’imbibe de la sainte liturgie ! J’ai remarqué qu’il avait encore du boulot ce cérémoniaire car il avait planqué le sermon de l’évêque qui le cherchait partout. Dommage qu’il l’ait retrouvé sinon on aurait une superbe impro ! Mais en liturgie on n’improvise pas, non monsieur, on n’improvise pas, mais on vise, à ce que tout soit aux normes !
Autre moment de panique… Ils avaient bien choisi les personnes pour faire la procession des offrandes. J’y ai reconnu pas mal de mes frères béninois… mais alors cela ne ressemblait pas du tout à une danse des offrandes haute en rythmé et couleur là-bas au Bénin ! Mais là n’est pas l’important : les coupes sont apportées pour le pain et le vin… Elles finissent par arriver sur l’autel après être passées de mains en mains. Et là au stupeur les coupes sont vides. A sec ! Pas une « Larme du Père » (Les larmes du Père pour les ‘ignares’ c’est un côte du Rhône, un saint Joseph !
Alors d’un clin d’œil averti le cérémoniaire déjoue le piège fatal… (C’est souvent qu’on oublie le vin, ou qu’on le remplace par de l’eau.. si, si , le jour de mon ordination a consacré plusieurs coupes d’eau !!! ) Mon Dieu ! Était-ce donc valide, licite, liturgique ? Bien des questions qui ne doivent pourtant pas mettre à mal la foi…. Bref voilà un peloton de deux secouristes qui remonte l’allée à grandes enjambées mesurées, tenant chacun un 75 cl de blanc spécial messe à la main… Ouf on y a échappé bel !
Bon deux heures plus tard on s’apprête à sortir. Un enfant de cœur, de très grand cœur même… qui est resté planté sagement là toute la célébration me dit : « Je prends la croix ? »
- Oui, oui, super lui dis-je.
Et son copain s’empare du socle de la croix : « Et moi, je l’emmène ? »
- « Heu , oui, non, enfin si tu veux. »
Un peu gauche, mais déterminité, il le prend comme il aurait pu porter son petit frère, dans ses bras ! Je me dis que le cérémoniaire n’a pas tout réglé.
Je passe devant le Livre exposé fermé sur un pupitre et je me dis comme l’enfant de chœur.
« Je l’emmène ? » … Ni une, ni deux, je le prends, et me dis que tout de même le nouveau diacre qui vient d’être ordonné pourrait bien porter la parole dehors … histoire de ne pas la laisser toute seule ici ! Je luis donne : « Tiens la parole, ne l’oublie pas, ne pars pas sans !» Je m’attire les foudres du cérémoniaire : « Mais ce n’est pas liturgique ! »
Oui je le sais bien que ce n’est pas liturgique mais trop de liturgie tue la liturgie !
Épilogue en sacristie : nous nous sommes expliqués sur ce petit différent et avons convenu qu’en fin de compte, ce Livre, on pouvait bien le laisser tout seul à l’intérieur car la Parole est maintenant vivante au cœur de ceux qui courent vers le monde, mais qu’elle pouvait aussi sortir dans la vie quotidienne dans les bras du semeur qui emporte sa semence … pour semer !
Laissez rentrer la vie ! Laissez passez la vie !
L'ambon est resté vide,
le Livre est sorti par la grande porte !
La paroel est semée !
Et tout fini avec une autre liturgie...
L'homme du jour, aux deux tabliers :
celui du diacre et celui du cuisinier !