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yonathan
19 novembre 2011

Ils en ont marre des projets !

Onéreux, laborieux, que de faire des projets. De plus cela ne s’improvise pas ! Non seulement cette action ne nous renvoie pas à un ailleurs de foi ou  de certitude ... mais il nous rive à l’incertain du présent !
GREANTSCUPRCLA082Le projet se dit dans le geste du discobole qui, prenant un solide appui ici et maintenant, jette en avant son disque, fort de son investissement passé, visant un avenir, un but ...
Pour autant le projet est bien loin de la somme de nos désirs ou de nos intérêts. Nous sentons bien qu’un projet, à peine abouti, avec plus ou moins de succès, nécessite une critique... parfois il faut tout recommencer car sa réalisation est trop en décalage dans le nouveau temps présent où il s’inscrit ! Les chantiers des nouvelles paroisses, en sont un signe éloquent : à peine achevés les résultats sont caduques !
Bien sûr, il serait plus facile de se réfugier dans l’incantation et le verbiage qui fait défiler des projets  aussi  vite qu’un  TGV ! Bien sûr il est plus aisé de demeurer dans l’inaction, le fatalisme : « advienne que pourra » et dans ce « Inch’allah » supposé laisser la main à  Dieu ! Il n’est d’ailleurs pas rare que le présent de notre prière enjoigne ou provoque Dieu à faire ce que je ne sais pas, ni ne veux, faire ! 
On m’a cité récemment pour justifier de la providence de Dieu, infiniment meilleure que tous nos projets, cette parole  redoutable : « il n’y a d’espérance que là où l’on accepte de ne pas voir l’avenir. »
Dans les bouleversements actuels, une frange de « catho » mais n’est-ce pas la même impuissance dans la société,  s’en remet à ... l’autre, au Chef, ou au Tout-Autre, s’exonérant de toute réflexion, de tout acte politique, de tout projet !
Pourtant il s’agit de trouver des solutions bien nécessaires pour demain. Autrement dit d’élaborer des projets, pour un mieux être, un bonheur partagé, des projets de toutes natures, projets de vie, de société, d’association, ou projets pastoraux...
J’entends dire qu’un projet est séduisant, sur le papier, mais sans fécondité dans l’air du temps !
Mais pourquoi un projet serait-il nécessairement stérile ? « Parce qu’il est pensé selon des vues humaines, rétorque-t-on ! » L’homme et le monde ne seraient-ils donc pas bons ? Dieu aurait-il « planté » sa création ? On connaît par cœur ces toxiques de la vie des sociétés et des églises, ces renégats de l’incarnation qui généralement ont leurs propres produits de substitution à écouler, au prix fort : foi de gourou !
Cessons d’opposer Dieu à l’homme et l’homme à  Dieu, puisque  Dieu s’est lié d’une étonnante proximité à l’homme et au monde. C’est vrai ce monde  fut, il y  a longtemps, un fond de mangeoire... Ce Dieu a voulu qu’il y ait entre Lui et l’Homme, un  souffle initial, aussi insaisissable que vital, qui, tout à la fois marque un écart et une sacrée attirance. A nous de jouer, dans l’inconfort de cet écart et de cette attirance : c’est là  que s’initie  le mouvement, que se fonde le pro-jet !
Alors, n’y a-t-il d’espérance que là où l’on accepte de ne pas voir l’avenir ? Le frère Christian de Chergé, supérieur des moines de Thibirine, auteur de cette pensée poursuivait : « Vouloir imaginer l’avenir, c’est faire de l’espérance fiction. Dès que nous pensons l’avenir, nous le pensons comme le passé. Nous n’avons pas l’imagination de Dieu. Demain sera autre chose et nous ne pouvons pas l’imaginer. Cela s’appelle la pauvreté » (Frère Christian de Chergé, Alger, Carême, 8 mars 1996).
Cette mise en garde d’un passé qui ne peut revenir mais nous condamne à l’immobilisme, ou de notre imagination qui est infiniment moins perspicace que celle de Dieu, ne peut justifier une condamnation du projet, anéantir cette tension qui nous projette vers  demain et vers Dieu !
Le Frère Christian avec ses  frères moines de Thibirine ont, a de multiples moments, évalué s’il devait rester ou partir. Les projets ont été préoccupation, décision, projection. Leur projet « de demeurer malgré tout » empreint de divin, n’en n’est pas moins respectable décision  humaine !
Alors dans les bouleversements actuels, de l’Église, de nos communautés et du monde, peut-être nous arrive-t-il trop facilement de nous laisser emporter à imaginer l’avenir et le maitriser selon nos uniques intérêts... Cele ne doit pas nous  empêcher de cetet aytre travail de qualité morale à investir dans nos projets qui désirent un monde et un  homme meilleur ?
L’expérience radicale des disciples d’Emmaüs (Lc 24, 15-35), lorsqu’un certain soir, Jésus leur a brûlé le cœur, est le creuset du projet !
Quel  devenir pour les disciples d’Emmaüs, « comment  vivre ? » Voilà une question qui hante le présent et appelle un devenir !
Le chemin  d’Emmaüs, à la croisée d’un projet par défaut, celui de rentrer chez soi comme avant, surchargé d’un «no futur » envahissant, et d’un projet jaillissant, fulgurant, celui d’aller dire... est né de la parole partagée, de l’échange avec « l’inconnu ». Il a grandi dans le jeu des Écritures ouvertes au scalpel. Et il s’est accompli dans la lumière du soir au cours du geste sublime du partage... Alors un avenir se dessine, et on  se projette vers un ailleurs, vers d’autres, pour raconter ce qui s’est passé sur la route de la Vie ?
Alors y en-t-il marre des projets ? Non ! Qu’il nous soit donné, encore, d’en vivre de tels projets, nés à l’épreuve du Chemin !

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