Dis-moi où tu crèches et je te dirai qui tu es !
Nous venons de crécher en l’église durant neuf mois sur la ligne de crête culte/culture ! L’idée était d’ouvrir les portes, non pas pour le culte mais pour la culture. Une idée prévalait : l’église n’appartient pas au « cercle » des croyants mais elle est patrimoine commun, trésor de tous. Elle n’est pas habitable de l’unique manière du rituel des célébrations en y rentrant toujours de la même façon, par les mêmes voies, comme si on suivait des flèches invisibles… Il est important parfois de rompre ces habitudes et de venir, autrement, de rentrer autrement, de vivre cet espace autrement. Et à peine terminé ce temps privilégié, j’ai deux problèmes : l’appel à poursuivre encore dans ce sens en 2015... et cette question d’actualité : « Une crèche a-t-elle sa place dans un bâtiment d’État ? »
En effet je suis en train d’installer une crèche au presbytère. Mais je tremble à l’idée qu’un voisin du style libre penseur ne convoque le juge, pour juger ma crèche indésirable … dans cet espace qui appartient à la mairie !
Bon ! Je rigole : je ne tremble pas tant que cela !
D’autant que dans la rue, devant le presbytère et l’église et le cimetière et la Belle étoile avec à 100 m en contre bas, la croix du Périllet, visible de loi… il y a donc une densité de signes religieux aux yeux des gens qui croient et qui ne croient pas !
Mais surtout il y le sapin, quoi de plus normal dans le pays des sapins noirs, mais il doit faire scandale car il est surmonté de l’étoile ! Bien qu’elle ne soit pas jaune, ni verte, ni jaune et blanche couleur Vatican... elle évoque l’étoile de David, l’étoile des mages et l’étoile à 5 branches, signe des 5 piliers de l’Islam ! Voilà une belle concentration et du travail pour les intégristes intolérants de la laïcité ceux qui ont pour devise "Ni dieu, ni maître, à bas la calotte et vive la sociale !"
Mais enfin est ce possible au nom de la liberté de pensée, ou plus justement au nom de la laïcité de crier « à bas ! » et d’interdire, de risquer l’intolérance, d’exacerber les communautarismes et pire que tout d’effacer ?
Il faut « effacer » le voile, la crèche, la kippa, le croissant, les mosquées, les croix aux carrefours de nos chemins vicinaux … Il faut même effacer les habits personnels par les uniformes scolaires, des soutanes et autre cache poussières, au nom de l’égalité… hypocrite ! Promulguons donc , Rome, Jérusalem, Lourde, La Mecque … ville interdite… Et pire il brulons le drapeau européen calqué sur les douze étoiles de l’Apocalypse attributs typiques du culte de Marie !
La technique du nivellement ou de l’effacement est dangereuse et aberrante : curieuse idée de la laïcité !
Car enfin la laïcité, ce n’est pas le silence, ni le masque, ni le mépris, encore moins la volonté de « crier haro sur… » Puissions-nous faire des pensées, des philosophies, des religions, les objets de notre réflexion !
Les signes religieux, certes réclament beaucoup de prudence… mais ils sont ici et là, en vis-à-vis entre eux et avec la libre pensée, l’athéisme.
Certains pensent que le mot mariage ne convient pas pour l’homosexualité. Certains pensent que l’on doit proposer une étude des religions dans l’école. Que l’on doit porter le souci de la connaissance des grandes traditions morales. Certains s’émeuvent de l’envahissement de l’espace public par le « religieux». Certains ont le souci de promouvoir à l’école des restaurants sans porcs, d’autre au contraires voudraient interdirent de ne pas mettre du porc ! Toutes ces positions peuvent être légitimes, pourquoi pas! Mais tout cela nous renvoie à notre vie en société qui est plus plurielle que singulière !
En définitive les signes religieux, créent un espace où il est vain de vouloir lister stérilement les différences et les appartenances jusqu’à s’épuiser, mais où il est essentiel de rentrer en résonance, de faire jouer les écarts comme une tension heureuse, productrice de lien social et pour puiser une force supplémentaire, une culture de l’aujourd’hui, qui ne nie pas les cultures des racines !